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trade, et un municipal adossé à un arbre fume une cigarette et jette un regard indifférent sur la tourbe malpropre qui grouille à ses côtés. Je contemple curieusement les habitués du bal. Quel monde ! des ouvriers gouailleurs, la casquette sur l’oreille, les mains crasseuses évasant la poche, les cheveux plaqués sur les tempes, la bouche avariée exsudant le jus noirâtre du brûle-gueule ; des femmes mafflues, opaques, vêtues de robes élimées, de linge roux et gras, coiffées de crinières ébouriffées, exhalant les senteurs rancies d’une pommade achetée au rabais chez un épicier ou dans un bazar.

Tandis que j’examine ce fourmillement de vauriens et de drôlesses, le silence se fait tout à coup, et, à un signal du chef d’orchestre, la flûte siffle, les cuivres mugissent, la grosse caisse