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un cabaret, buvons d’abord, nous verrons à payer ensuite.

Ils entrèrent. La salle était pleine et tellement enfumée qu’on aurait pu y saurer des harengs. Les jambes allongées, le feutre enfoncé jusqu’aux yeux, des personnages en guenilles fumaient à perdre haleine et buvaient en criant et se disputant. Une servante en train de guéer du linge dans la salle voisine rythmait à coups de palettes les chansons que nasillaient quelques-uns de ces marauds. Coutumiers de semblable spectacle, le maître et l’élève ne s’en étonnèrent pas et, pendant quelque temps, pétunèrent et vidèrent tant de pintes qu’ils conquirent l’admiration des malandrins qui peuplaient ce bouge ; puis Krœsbeck poussa son maître du coude et lui dit : « S’il ne s’agissait que de boire, la terre serait un paradis ;