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plus rose, éclairait le missel et le lin des nappes.

Durtal allait alors rêver dans le jardin de l’évêché où il avait l’autorisation de se promener quand il lui plaisait.

Ce jardin était silencieux, avec ses allées tombales, ses peupliers étêtés, ses gazons piétinés, à moitié morts. Il n’y avait aucune fleur, car la Cathédrale tuait tout autour d’elle. Son abside énorme et déserte, sans une statue, s’exhaussait dans des volées d’arcs-boutants sortis, tels que des côtes gigantesques, de la poussée de prières qui écartait ses flancs ; elle répandait partout dans ses alentours l’humidité et l’ombre ; dans ce clos funèbre, avec ses arbres qui ne verdissaient qu’en s’éloignant de l’Eglise, deux bassins minuscules s’ouvraient comme des bouches de puits ; l’un glacé jusqu’à sa margelle de vert-pistache par des lentilles d’eau ; l’autre, rempli d’une saumure couleur d’encre, dans laquelle marinaient trois poissons rouges.

Durtal aimait cet endroit isolé, fleurant le sépulcre et le marais et exhalant aussi ce relent de marcassin, cette odeur fauve qui fuit des terres pourries, saturées de feuilles.

Il déambulait de long en large dans ces allées où jamais l’évêque ne descendait, où les enfants de la maîtrise ravageaient, en courant dans leurs récréations, les restes, épargnés par la Cathédrale, des pelouses.

Partout craquaient sous les pieds des ardoises jetées sur le sol, enlevées par le grand vent des toits et des croassements de choucas traversaient, en se répondant, l’air silencieux du parc.

Durtal aboutissait à une terrasse dominant la ville et