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qu’en une confuse empreinte, l’on retrouvait, dans ce divin cellier, un vague tableau des néophytes jadis assemblés dans les souterrains de Rome.

Et la messe continuait devant Durtal, émerveillé par l’enfant qui baisait, les yeux presque fermés, dans le petit recul d’un discret émoi, les burettes de vin et d’eau, avant que de les offrir au prêtre.

Durtal ne voulait plus rien voir, essayait de se recueillir, alors que le célébrant s’essuyait les mains, car les versets récités à voix basse étaient les seules prières qu’il pût adresser honnêtement à Dieu.

Il n’avait que cela pour lui, mais il l’avait au moins, l’amour passionné de la mystique et de la liturgie, du plain-chant et des Cathédrales ! Sans mentir et sans se leurrer aussi, il pouvait, en toute sécurité, s’écrier : « Seigneur, j’ai aimé la beauté de votre maison et le lieu où habite votre gloire. » C’était la seule compensation qu’il pût proposer au Père, de ses contumélies et de ses mésaises, de ses écarts et de ses chutes. Ah ! pensait-il, comment ressasser ces prières toutes faites dont les paroissiens débordent, dire à Dieu, en le qualifiant « d’aimable Jésus », qu’Il est le bien-aimé de mon cœur, que je prends la ferme résolution de n’aimer jamais que Lui, que je veux mourir plutôt que de jamais lui déplaire. N’aimer jamais que Lui ! quand on est moine et solitaire, peut-être, mais dans la vie du monde ! puis, sauf les Saints, qui préfère la mort à la plus légère des offenses ? alors pourquoi vouloir le berner avec ces simagrées, et ces frimes ? Non, fit Durtal, en dehors des exorations personnelles, des entretiens intimes où l’on se risque à lui raconter tout ce qui passe par la tête, seules les prières