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se perdaient dans l’ombre. L’on pouvait se croire dans une serre coiffée d’un dôme de verre noir, car l’on marchait sur des dalles et nul ciel n’apparaissait et nulle brise ne passait au-dessus de vous. Les quelques étoiles mêmes dont les lueurs clignaient au loin, n’appartenaient à aucun firmament, car elles tremblotaient presque au ras des pavés, s’allumaient sur la terre, en somme.

L’on n’entendait, dans cette obscurité, que des bruits légers de pas ; l’on n’apercevait que des ombres silencieuses, modelées ainsi que sur un fond de crépuscule avec des lignes plus foncées de nuit.

Et Durtal finissait par aboutir à une autre grande avenue coupant l’allée qu’il avait quittée. Là, il trouvait un banc accoté contre le tronc d’un arbre et il s’y appuyait, attendant que la Mère s’éveillât, que les douces audiences interrompues depuis la veille, par la chute du jour, reprissent.

Il songeait à la Vierge dont les vigilantes attentions l’avaient tant de fois préservé des risques imprévus, des faciles faux-pas, des amples chutes. N’était-elle pas le Puits de la Bonté sans fond, la Collatrice des dons de la bonne Patience, la Tourière des cœurs secs et clos ; n’était-elle pas surtout l’active et la benoîte Mère ?

Toujours penchée sur le grabat des âmes, Elle lavait les plaies, pansait les blessures, réconfortait les défaillantes langueurs des conversions. Par delà les âges, Elle demeurait l’éternelle orante et l’éternelle suppliée ; miséricordieuse et reconnaissante, à la fois ; miséricordieuse pour ces infortunes qu’Elle allégeait et reconnaissante envers elles. Elle était en effet l’obligée de nos fautes, car sans le péché de l’homme, Jésus ne serait