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sont rapiécées quand elles ne sont pas toutes modernes ; en dépit des dithyrambes d’Hugo, elle demeure de second ordre ; mais elle a sa nef, son merveilleux transept ; elle est même nantie d’une ancienne statue de la Vierge devant laquelle s’est beaucoup agenouillé M. Olier ; eh bien, l’on a tenté de ranimer, dans son vaisseau, le culte de Notre-Dame, de déterminer un mouvement de pèlerinage et tout y est mort ! cette Cathédrale n’a plus d’âme ; elle est un cadavre inerte de pierre ; essayez d’y entendre une messe, de vous approcher de la Table, et vous sentirez une chape de glace tomber sur vous. Cela tient-il à son abandon, à ses offices assoupis, à la rémolade de fredons qu’on y bat, à sa fermeture, hâtée le soir, à son réveil tardif, bien après l’aube ? cela tient-il aussi à ces visites tolérées d’indécents touristes, de goujats de Londres que j’ai vus, parlant tout haut, restant, au mépris des plus simples convenances, assis devant l’autel, alors que l’on donnait la bénédiction du Saint-Sacrement, en face d’eux ! Je ne sais, mais ce que je certifie, c’est que la Vierge n’y réside pas jours et nuits, toujours, comme à Chartres.

Prenez encore Amiens, avec ses vitres blanches et ses clartés crues, ses chapelles fermées par de hautes grilles, son silence de rares oraisons, sa solitude. Celle-là est vide aussi ; et je ne sais pourquoi elle fleure, pour moi, une ancienne odeur de jansénisme ; on n’y est pas à l’aise, on y prie mal ; et pourtant sa nef est magnifique et les sculptures de son pourtour, qui sont même supérieures à celles de Chartres, s’affirment, on peut le dire, uniques !

Celle-là, non plus, n’a pas d’âme.