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Toutes se mettent à sourire dès qu’elles quittent leur ossature chagrine et s’effilent.

Le Roman, je me figure qu’il est né vieux, poursuivit Durtal, après un silence. Il demeure, en tout cas, à jamais ténébreux et craintif.

Encore qu’il ait atteint, à Jumièges, par exemple, avec son énorme arc doubleau qui s’ouvre en un porche géant dans le ciel, une admirable ampleur, il reste quand même triste. Le plein-cintre est en effet incliné vers le sol, car il n’a pas cette pointe qui monte en l’air, de l’ogive.

Ah ! les larmes et les dolents murmures de ces épaisses cloisons, de ces fumeuses voûtes, de ces arches basses pesant sur de lourds piliers, de ces blocs de pierre presque tacites, de ces ornements sobres racontant en peu de mots leurs symboles ! le Roman, il est la Trappe de l’architecture ; on le voit abriter des ordres austères, des couvents sombres, agenouillés dans de la cendre, chantant, la tête baissée, d’une voix plaintive, des psaumes de pénitence. Il y a de la peur du péché, dans ces caves massives et il y a aussi la crainte d’un Dieu dont les rigueurs ne s’apaisèrent qu’à la venue du Fils. De son origine asiatique, le Roman a gardé quelque chose d’antérieur à la Nativité du Christ ; on y prie plus l’implacable Adonaï que le charitable Enfant, que la douce Mère. Le Gothique, au contraire, est moins craintif, plus épris des deux autres Personnes et de la Vierge ; on le voit abritant des ordres moins rigoureux et plus artistes ; chez lui, les dos terrassés se redressent, les yeux baissés se relèvent, les voix sépulcrales se séraphisent.