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Aussi prit-il la décision de ne sortir que le matin dès l’aube ou le soir ; alors, il pouvait rêvasser, seul, dans une ville qui était, l’après-midi déjà, à peu près morte.

L’abbé et sa gouvernante étaient, eux, installés dans l’évêché même, à l’ombre de l’abside de la cathédrale. ils occupaient, au-dessus d’écuries abandonnées, un premier et unique étage, composé d’une série de pièces froides et carrelées, que l’évêque avait fait remettre à neuf.

Quelque temps après leur arrivée à Chartres, l’abbé avait répondu à Durtal qui le voyait soucieux :

— Oui sans doute, je traverse un moment difficile ; j’ai à dissiper des préventions… je m’y attendais d’ailleurs ; et c’était encore là un des motifs pour lesquels je désirais ne point quitter Paris… mais la Sainte Vierge est si bonne… déjà tout s’arrange…

Et Durtal insistant :

— Vous pensez bien, dit-il, que la nomination d’un chanoine étranger au diocèse n’a pas été considérée d’un œil indifférent par le clergé de Chartres. Cette méfiance envers le prêtre inconnu qu’un nouvel évêque amène est bien naturelle, en somme ; l’on craint forcément qu’il ne joue auprès du prélat le rôle plus ou moins occulte d’une Eminence grise ; aussi tous se tiennent sur leurs gardes et ils filtrent au tamis ses moindres paroles, épluchent ses moindres actes.

— Puis, fit Durtal, n’est-ce pas une bouche de plus à nourrir sur la maigre pitance que l’Etat concède ?

— Pour cela, non. je ne touche aucun bénéfice et par conséquent je ne lèse les intérêts de personne ; je ne l’eus pas accepté, d’ailleurs. le seul avantage que je retire