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et puis… une autre question dont l’abbé Gévresin ne parle pas mais qui m’inquiète, moi, se pose. Si je demeure seul, ici, il me faudra chercher un nouveau confesseur, errer dans les églises, de même que j’erre dans la vie matérielle, à la recherche des restaurants et des tables d’hôte. Ah ! non ! j’ai assez à la fin de ces au jour le jour de nourritures corporelles et morales ! j’ai mis mon âme dans une pension qui lui plaît, qu’elle y reste !

Enfin il y a encore un argument. je vivrai à meilleur compte à Chartres et là, en ne dépensant pas plus qu’ici, je pourrai m’installer confortablement, manger les pieds sur mes chenêts, être servi !

Et il avait fini par se résoudre à suivre ses deux amis, avait arrêté un assez vaste logement en face de la cathédrale — et lui, qui avait toujours été si à l’étroit dans de minuscules pièces, il savourait enfin la joie provinciale des vastes chambres, des livres étalés sur les murs, à l’aise.

De son côté, Mme Bavoil lui avait découvert une servante familière et bavarde, mais brave femme au fond et pieuse. Et il avait commencé sa nouvelle existence dans l’étonnement continu de cette extraordinaire basilique, la seule qu’il ne connût point, sans doute parce qu’elle était située près de Paris et que semblable à tous les Parisiens, il ne se dérangeait guère que pour effectuer de plus longs voyages. Quant à la ville même, elle lui parut dénuée d’intérêt, ne possédant qu’une promenade intime, un petit quai où, dans le bas des faubourgs, près de la porte Guillaume, des lavandières chantent, en savonnant, devant un cours d’eau qu’elles fleurissent avec des touffes irisées de bulles.