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de la cathédrale, se complète au dehors par l’aspect suppliant de l’édifice. Affolée par la joie de l’union, l’âme, désespérée de vivre, n’aspire plus qu’à s’évader pour toujours de la géhenne de sa chair ; aussi adjure-t-elle l’Epoux avec les bras levés de ses tours, d’avoir pitié d’elle, de venir la chercher, de la prendre par les mains jointes de ses clochers pour l’arracher de terre et l’emmener avec lui, au ciel.

Elle est enfin, cette basilique, la plus magnifique expression de l’art que le Moyen Age nous ait léguée. Sa façade n’a ni l’effrayante majesté de la façade ajourée de Reims, ni la lenteur, ni la tristesse de Notre-Dame de Paris, ni la grâce géante d’Amiens, ni la massive solennité de Bourges ; mais elle révèle une imposante simplicité, une sveltesse, un élan, qu’aucune autre cathédrale ne peut atteindre.

Seule, la nef d’Amiens se lamine, s’écharne, s’effile, se filise, fuse aussi ardemment que la sienne, du sol ; mais le vaisseau d’Amiens est clair, et morne et celui de Chartres est mystérieux et intime et il est, de tous, celui qui évoque le mieux l’idée d’un corps délicat de Sainte, émaciée par les prières, rendue par les jeûnes presque lucide. Puis ses verrières sont sans pareilles, supérieures même à celles de Bourges dont le sanctuaire est cependant fleuri de somptueux bouquets de Déicoles !

— Enfin, sa sculpture du porche Royal est la plus belle, la plus extraterrestre qui ait jamais été façonnée par la main de l’homme.

Elle est encore presque unique, car elle n’a rien de l’aspect douloureux et menaçant de ses grandes sœurs. C’est à peine si quelques démons grimacent aux aguets