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de me sentir l’âme si importune et si basse. Et il tenta de se la remémorer, de l’embrasser en son ensemble.

Elle jaillissait comme un arbre touffu, dont la racine plongeait dans le sol même de la Bible ; elle y puisait en effet sa substance et en tirait son suc ; le tronc était la symbolique des Ecritures, la préfiguration des Evangiles par l’Ancien Testament ; les branches : les allégories de l’architecture, des couleurs, des gemmes, de la flore, de la faune, les hiéroglyphes des nombres, les emblèmes des objets et des vêtements de l’Eglise ; un petit rameau déterminait les odeurs liturgiques et une brindille, desséchée dès sa naissance et quasi-morte, la danse.

Car la danse religieuse a existé, reprit Durtal ; elle a été, dans l’Antiquité, l’offrande de l’adoration, la dîme des liesses ; David sautant devant l’arche en est une preuve.

Dans les premiers temps du Christianisme, les fidèles et les prêtres se trémoussent pour honorer le Seigneur, croient, en clunagitant, imiter l’allégresse des Bienheureux, la joie de ces Anges que saint Basile nous montre, exécutant des pas dans les redoutes parées du ciel.

L’on en arrive bientôt, ainsi qu’à Tolède, à tolérer des messes dites Mussarabes pendant lesquelles les ouailles gambadent en pleine cathédrale ; mais ces cabrioles ne tardent pas à exclure le caractère pieux qu’on veut bien leur prêter ; elles deviennent un piment pour le ragoût des sens et plusieurs conciles les interdisent.

Au XVIIe siècle, les ballets dévots survivent cependant dans certaines provinces ; on les découvre à Limoges où le curé de Saint-Léonard et ses paroissiens pirouettent dans le chœur