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La joie de cette servante, plutôt taciturne, consistait à glorifier la Vierge pour laquelle elle professait un culte ; et, d’autre part, elle citait, de mémoire, des morceaux d’une mystique un peu bizarre de la fin du XVIe siècle, Jeanne Chézard de Matel, la fondatrice de l’ordre du Verbe Incarné, de cet institut où les moniales arborent un voyant costume, une robe blanche serrée par une ceinture de cuir écarlate à la taille, un manteau rouge et un scapulaire couleur de sang portant, brodé en soie bleue, dans une couronne d’épines, le nom de Jésus qu’accompagnent, avec un cœur en flammes percé de trois clous, ces mots : « amor meus ».

Durtal jugeait tout d’abord Mme Bavoil un peu toquée, regardait, tandis qu’elle débitait un passage de Jeannne de Matel sur Saint Joseph, le prêtre qui ne bronchait point.

— Mais alors, Mme Bavoil est une sainte ? lui dit-il, un matin qu’ils étaient seuls.

— La chère Mme Bavoil est une colonne de prières, répondit gravement l’abbé.

Et, une après-midi, alors que Gévresin était à son tour absent, Durtal interrogea cette femme.

Elle raconta ses longs pèlerinages à travers l’Europe, des pèlerinages où elle s’était rendue pendant des années, à pied, en demandant l’aumône, le long des routes.

Partout où la Vierge possédait un sanctuaire, elle s’y transféra, un paquet de linge dans une main, un parapluie dans l’autre, une croix de fer blanc sur la poitrine, un chapelet pendu à la ceinture. D’après un carnet qu’elle avait tenu à jour, elle avait ainsi fait dix mille cinq cents lieues à pied.