Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/461

Cette page n’a pas encore été corrigée

la chance d’être certifiée juste, car nous ne découvrons aucun renseignement sur les maîtrises des imagiers de ce temps, se dit Durtal qui se dirigea vers la baie latérale de gauche du porche chartrain, vouée aux Martyrs.

Là, dans l’ébrasement de la porte, vivaient, côte à côte, saint Vincent d’Espagne, diacre ; saint Denys, évêque ; saint Piat, prêtre ; et saint Georges, guerrier ; victimes, tous les quatre, de la studieuse cruauté des mécréants.

Saint Vincent, dans sa longue robe, penchait sur l’épaule une tête contrite. Celui-là, pensa Durtal, il a été supplicié d’une façon toute culinaire, car si j’écoute la Légende de Voragine, on lui ratissa si furieusement le corps avec des peignes acérés d’airain que ses boyaux sortirent ; puis, après ce hors-d’œuvre de souffrances, les cuisiniers le rôtirent sur un gril, le lardèrent de clous, l’arrosèrent avec la sauce de son sang. Lui, demeurait immobile, pendant qu’il se dorait et priait. Quand il eut expiré, Dacien, son persécuteur, ordonna de transférer son cadavre dans un champ pour qu’il fût dépecé par les bêtes, mais un corbeau vint veiller auprès de lui et chassa, à coups de bec, un loup ; alors, on lui attacha une meule de moulin autour du col et on le précipita dans la mer, mais il aborda près de pieuses femmes qui l’ensevelirent.

Saint Denys, premier évêque de Paris, offert en pâture à des lions qui s’éloignèrent, puis décollé à Montmartre, avec saint Eleuthère et saint Rustique. L’imagier ne l’avait pas représenté, tenant, ainsi que d’habitude, sa tête, mais il l’avait dressé, entier, debout, crossé et mîtré ; et il n’était pas humble et dolent, tel que son voisin, le diacre d’Espagne, mais droit, impérieux, levant la main, plus peut-être pour faire une recommandation aux fidèles