Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/456

Cette page n’a pas encore été corrigée

pourquoi les historiens de la cathédrale proclament en chœur que la scène du Jugement dernier sculptée sur le tympan de la porte est la plus extraordinaire de ce genre qui soit en France ; rien n’est plus faux, car elle est très vulgaire, très inférieure, en tout cas, à beaucoup d’autres.

La partie démoniaque y est, en effet, moins tumultueuse, plus indolente, moins dense que dans les basiliques de la même époque. Sans doute, à Chartres, ces démons à mâchoires de loups et à oreilles d’ânes refoulant des évêques et des rois, des laïques et des moines vers une gueule de dragon qui crache des flammes ; ces diables à barbiches de chèvres et à bouches échancrées en croissants qui s’emparent de pécheurs épars sur les cordons des voussures, sont expertement agencés, disposés autour du sujet principal, en d’habiles grappes ; mais ce vignoble satanique manque d’ampleur et ses fruits sont fades ; ces prédateurs sont trop peu féroces ; ils ont presque l’air d’être en goguette et déguisés, et les damnés sont calmes.

Il est autrement exaspéré le festival diabolique de Dijon ! et Durtal se rappelait la Notre-Dame de cette ville, ce spécimen si étrange du gothique du XIIIe siècle, du style bourguignon, en France. Cette église était d’une simplicité presque enfantine ; elle haussait au-dessus de ses trois porches, un mur droit creusé de deux étages d’arcatures formant galeries et surmontés de figures grotesques. A droite de la façade, se dressait une tourelle coiffée d’un bonnet pointu ; puis, à côté, sur le toit, se découpait la ferraille en claire-voie d’un jacquemart muni de trois poupées frappant les heures ; en arrière, au-dessus du transept, sortait une petite tour flanquée à sa base de quatre clochetons vitrés et c’était tout.