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chose naturelle, de son commerce avec Jésus et avec les Saints ; elle paraissait vivre en parfaite amitié avec eux, en causait ainsi que de compagnons avec lesquels on bavarde sans aucune gêne.

Puis la physionomie de cette femme, que le prêtre lui présenta sous le nom de Mme Céleste Bavoil, était pour le moins étrange. Elle était maigre, élancée et néanmoins petite. De profil, avec le nez busqué, la bouche dure, elle avait le masque désempâté d’un César mort, mais de face, la rigidité du profil s’émoussait dans une familiarité de paysanne, se fondait dans une mansuétude de placide nonne, en complet désaccord avec la solennelle énergie des traits.

Il semblait qu’avec le nez impérieux, le visage régulier, les dents blanches et menues, l’œil noir, tout en lumières, trottinant, fureteur, tel que celui d’une souris, sous de magnifiques cils, cette femme dût, malgré son âge, rester belle ; il semblait au moins que l’union de pareils éléments dût marquer ce visage d’une étampe de distinction, d’une empreinte vraiment noble ; et pas du tout, la conclusion démentait les prémisses ; l’ensemble leurrait l’adhésion réunie des détails. Evidemment, ce déni provient, pensait-il, d’autres particularités qui contredisent l’entente des principales lignes ; d’abord, de la maigreur de ces joues couleur de vieux bois, semées, çà et là, de gouttes d’éphélides, de taches paisibles d’ancien son ; puis de ces bandeaux de cheveux blancs, couchés à plat sous un bonnet à ruches, enfin de cette modeste tenue, de cette robe noire mal fagottée, ondant sur la gorge et laissant voir l’armature du corset imprimée, au dos, en relief sur l’étoffe.