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est claire ; c’est mon manque d’abandon, mon défaut de confiance envers Dieu et aussi mon peu d’amour qui m’ont mis dans un état pareil.

A la longue, ces malaises ont engendré la maladie dont je souffre, une anémie profonde d’âme, aggravée par la peur du malade qui, n’ignorant pas la nature de son affection, l’exagère.

Tel est mon bilan, depuis que je réside à Chartres.

Cette situation est-elle bien différente de celle que je connus à Paris ? oui, car cette phase que je traverse est absolument le contraire de celle que je vécus jadis ; à Paris, j’avais l’âme non pas aride et friable, mais molle et humide ; elle se saponifiait, on enfonçait dedans ; je me fondais en somme, dans un état de langueur plus pénible peut-être que cet état de sécheresse où je me racornis ; mais à y regarder de près, si les symptômes ont changé, le mal n’en persiste pas moins ; qu’il y ait langueur ou siccité, le résultat est identique.

Seulement, n’est-il pas étrange que cette anémie spirituelle se traduise maintenant par des signes contradictoires ? d’une part, en effet, j’éprouve une fatigue, une défection, un ennui de la prière qui me paraît inane et creuse, tant je la récite mal, une envie d’envoyer tout promener, de me taire, d’attendre un retour de ferveur que je n’espère point ; et, de l’autre, je sens, au même moment, un travail sourd et têtu, une touche invisible, un besoin de prier, un rappel incessant de Dieu me tenant en haleine. Il y a des instants aussi où, tout en croyant me rendre compte que je ne bouge pas, il me semble que je m’ébranle, que je vais être emporté à la dérive.