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le harceler sans vouloir s’expliquer davantage, demeurait seul.

Et il se sentait inexorablement étreint, tacitement commandé d’avoir à se prononcer sur-le-champ.

Il tenta de lutter, de raisonner, de se ressaisir, mais cet effort l’accabla et il eut la sensation d’une syncope intérieure, d’une âme qui, dans un corps resté debout, s’évanouissait, peu à peu, de fatigue et de peur.

— Mais c’est fou, cria-t-il, c’est fou !

— Ah çà, qu’est-ce qui vous arrive ? s’exclamèrent les deux prêtres.

— Pardon, rien.

— Vous souffrez ?

— Non, rien.

Il y eut un moment de silence gênant qu’il voulut rompre.

— Avez-vous, dit-il, absorbé du protoxyde d’azote, de ce gaz qui endort et qui sert, en chirurgie, pour les opérations de courte durée ? Non ; eh bien, on a la tête qui bourdonne et au moment où un fracas de grandes eaux commence, l’on perd connaissance ; c’est cela que j’éprouve ; seulement ces phénomènes se passent non dans mon crâne, mais dans mon âme qui est débile et étourdie, prête à se trouver mal…

— J’aime à croire, reprit l’abbé Plomb, que ce n’est pas la perspective de visiter Solesmes qui vous bouleverse de la sorte ?

Durtal n’eut pas le courage de confesser la vérité ; il eut peur d’être ridicule en avouant de telles transes et, pour ne pas répondre nettement, il esquissa un semblant de geste.