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et le supplie de le suivre parce que le Diable moleste sa fille. Il part, accompagné d’un autre Dominicain, le frère Wipert et, arrivés à Stumbèle, ils trouvent dans la chaumine hantée, le curé du pays, le R. P. Godfried prieur des Bénédictins de Brunwilre et le cellerier de ce cloître. Ils s’entretiennent, en se chauffant, des incursions nauséabondes que le Démon tente et, subitement, les scènes se renouvellent. Ils sont, les uns et les autres, inondés de fiente, et Christine, selon l’expression du religieux, en demeure tout empâtée — et, chose étrange, ajoute Pierre de Dacie, cette substance, qui était tiède, brûlait Christine et lui faisait venir sur la peau des cloques.

Ce manège dura trois jours. A la fin, un soir, frère Wipert, exaspéré, se met en devoir de réciter les prières de l’exorcisme, mais un vacarme effroyable ébranle la chambre, les chandelles s’éteignent et il reçoit sur l’œil un paquet de matière si dure qu’il s’écrie : malheur, me voici borgne !

On l’emmène à tâtons dans une pièce voisine où séchaient des vêtements de rechange, où de l’eau chauffait toujours devant le feu pour les ablutions ; on le nettoie, on lui lave l’œil qui n’a subi aucun dommage sérieux, en somme, et il rentre dans la chambre pour réciter, avec les deux Bénédictins et Pierre de Dacie, Matines ; mais avant de psalmodier l’office, il s’approche du lit de la patiente et joint les mains, étonné.

Elle est embrenée d’ordures, mais tout a changé. L’odeur, qui était d’une fétidité plus qu’humaine, s’est muée en un fleur angélique ; la résignation, la sainteté de Christine ont vaincu le Traitant des âmes — et