Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/410

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais pour le reste des chrétiens, pour le misérable fretin que nous sommes, quelle détresse et quelle pitié ! l’on interroge l’éternel silence et rien ne répond ; l’on attend et rien ne vient ; l’on a beau s’attester qu’Il est l’Incirconscrit, l’Incompréhensible, l’Incogitable, que toutes les démarches de notre raison sont vaines, l’on ne parvient point à ne pas se troubler et surtout à ne point pâtir ! et pourtant… pourtant, si l’on y songe, ces ténèbres qui nous environnent ne sont pas absolument imperméables, car elles s’éclairent par endroits et l’on discerne quelques vérités, entre autres celle-ci :

Dieu agit avec nous comme avec les plantes ; Il est, en quelque sorte, l’année de l’âme, mais une année où l’ordre naturel des saisons est interverti, car les saisons spirituelles commencent par le printemps auquel succède l’hiver et l’automne arrive suivi à son tour par l’été ; au moment de la conversion, c’est le printemps, l’âme est en liesse et le Christ sème en elle ses graines ; puis viennent le froid et l’obscurité ; l’âme terrifiée se croit abandonnée et se plaint, mais sans qu’elle le sente, pendant ces épreuves de la vie purgative, les graines germent sous la neige ; elles se lèvent dans la douceur contemplative des automnes, fleurissent enfin dans la vie unitive des étés.

Oui, mais chacun doit être l’aide jardinier de sa propre âme, chacun doit écouter les instructions du Maître qui trace la besogne et dirige l’œuvre. Hélas ! nous ne sommes plus ces humbles ouvriers du Moyen Age qui travaillaient en louant Dieu, qui se soumettaient, sans discuter, aux ordres du patron ; nous, nous avons, par notre peu de foi, épuisé le dictame des prières, le polypharmacon des oraisons ; dès lors, tout nous paraît injuste