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un détail le prouvait. Dans toutes les Cathédrales, les rois, les évêques, les Saints, les bienfaiteurs, gisaient, inhumés dans les caveaux du sol ; et à Notre-Dame de Chartres, pas ; jamais on n’y avait enterré un cadavre, jamais cette Eglise n’avait été un ossuaire, parce que, dit l’un de ses historiens, le vieux Rouillard « elle a cette prééminence que d’être la couche ou le lit de la Vierge ».

Elle y était donc à demeure, trônant au milieu de sa Cour d’Elus, gardant dans le tabernacle de la chapelle réservée devant laquelle brûlent des lampes, le corps sacramentel de son Fils, le veillant ainsi que pendant son enfance, le tenant en son giron, dans toutes les sculptures, dans toutes les verrières, se promenant d’étages en étages, passant entre la haie des Saints, finissant par s’asseoir sur une colonne, par se montrer aux petits et aux pauvres sous l’humble apparence d’une femme basanée au teint cuit par les canicules, hâlé par le vent et par les pluies ; et Elle descendait plus bas encore, allait jusque dans les souterrains de son palais, se reposant dans la crypte pour donner audience aux irrésolus, aux timorés que le luxe ensoleillé de sa cour intimide.

Comme ce sanctuaire, où l’on perçoit la présence douce et terrible de l’Enfant que ne quitte point sa Mère, vous soulève hors de toute réalité, dans l’allégresse intime des Beautés pures ! Et faut-il que tous deux soient bénévoles pour ne pas partir de ce désert, pour ne pas se lasser d’attendre les visiteurs ! reprit Durtal, regardant autour de lui, constatant qu’il était seul ; s’il n’y avait pas ces braves gens de la campagne qui viennent, eux, à toute heure, baiser le pilier, quel abandon ce serait, même le dimanche, car jamais cette Cathédrale n’est pleine ! Soyons