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et indiquent la place où le corps perdu du martyr fut inhumé, un homme à genoux, les mains jointes, pantelait, exalté par la prière, ardait, lancé en avant par un bond de l’âme lui sublimant le visage, faisant de ce rustre un Saint en extase, vivant déjà loin de la terre, en Dieu.

Cet orant il était le chef-d’œuvre du pourtour d’Amiens, comme le Saint Joseph endormi était le chef-d’œuvre du pourtour de Chartres.

Tout bien considéré, se disait Durtal, cette statuaire de la Cathédrale de la Picardie est plus explicite, plus complète, plus variée, plus éloquente même que celle de la Basilique de la Beauce. Outre que l’imagier inconnu qui la créa était doué, autant que le fut Soulas, d’une finesse d’observation, d’une bonhomie, d’une verve, persuasives et décidées, il possédait, en sus, un je ne sais quoi de plus singulier et de plus noble ; puis ses tableaux ne se confinaient pas dans la reproduction de deux ou trois personnages, mais souvent ils mettaient en scène de grouillantes foules où chaque homme, chaque enfant, chaque femme différait par son individualité, par ses traits personnels, tranchait par son air à part, tant la réalité de ces figurines était nette et intense !

Enfin, pensait Durtal, en jetant, avant de s’éloigner, un dernier coup d’œil sur la clôture de Chartres, si Soulas est inférieur à l’imagier d’Amiens, il n’en est pas moins un délicat artiste et un vrai maître, et ses groupes nous consolent au moins de l’ignominie de Bridan et du décor satané du chœur !

Il allait ensuite s’agenouiller devant la Vierge noire, puis revenu dans le transept du Nord qu’Elle avoisine,