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rutilant de saphir mâle et pur les artistes du feu atteignirent et de quel admirable rouge de sang frais, ils usèrent ! le jaune, moins prodigué, fut, si j’en juge par la robe d’un roi voisin d’Abraham, dans une croisée près du transept, d’une teinte effrontée de citron vif ; mais, à part ces trois couleurs qui vibrent, qui éclatent, telles que des chants de joie, dans ces tableaux transparents, les autres s’assombrissent, les violets sont ceux des prunes de Monsieur et des aubergines, les bruns tournent au caramel, les verts de ciboule noircissent.

Quels chefs-d’œuvre de coloris, ils obtiennent avec le mariage et le heurt de ces tons, et quelle entente et quelle adresse à manier les filets des plombs, à accentuer certains détails, à ponctuer, à séparer, en quelque sorte par ces traits d’encre, leurs alinéas de flammes !

Ce qui est extraordinaire encore, c’est l’alliance consentie de ces industries différentes, travaillant côte à côte, traitant les mêmes sujets ou se complétant, les unes les autres, chacune suivant son mode d’expression, arrivant à réaliser, sous une direction unique, cet ensemble ; avec quelle logique, quelle habileté, les places étaient réparties, les espaces distribués à chacun, selon les moyens de son métier, les exigences de son art !

Dès qu’elle arrive au bas de l’édifice, l’architecture s’efface, cède le pas à la statuaire, lui baille la belle place de ses porches ; la sculpture demeurée jusqu’à ce moment invisible, à des hauteurs perdues, restée à l’état d’accessoire, devient soudain suzeraine. Par un juste retour, là où elle peut être contemplée, elle s’avance et sa sœur se retire et la laisse parler aux foules ; et quel cadre splendidde, elle lui prête, avec ses portails creusés