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réfléchissait le miroir couché des lacs ; au fond le soleil dont l’orbe, tranché par l’horizon, rayonnait, réverbéré par la nappe de ces eaux ; c’était tout et une tranquillité, un calme, une plénitude extraordinaires s’épandaient de ce site. L’idée de la Justice à laquelle répond comme un inévitable écho l’idée de la Miséricorde, se symbolisait dans la gravité sereine de ces étendues qu’éclairaient les lueurs d’une saison indulgente, d’un temps doux.

Durtal se recula pour mieux saisir l’œuvre, dans son ensemble. Il n’y a pas à dire, fit-il, cet artiste a l’instinct, le tact, des surfaces aériennes, des espaces ; la compréhension des ondes reposées coulant sous d’immenses ciels ! et puis, il s’échappe, de cette planche, des effluves d’âme catholique, qui s’insinuent en nous et lentement nous pénètrent…

Avec cela, reprit-il, en fermant le carton, me voici loin de mon sujet et je ne vois pas du tout l’article à brasser pour la Revue. Préparer une étude sur les Primitifs allemands, cela rentrerait bien dans son cadre, oui, mais quel aria ! il me faudrait développer mes notes et après maître Wilhelm, Stephan Lochner, Grûnewald, Zeitblom, aborder Bernard Strigel, un maître presque inconnu, Albert Dürer, Holbein, Martin Schongauer, Hans Baldung, Burgkmaier, combien d’autres ! il me faudrait expliquer ce qui a pu rester d’impression orthodoxe en Allemagne après la Réforme, parler au moins, au point de vue luthérien, de cet étonnant Cranach dont les Adam sont des Apollon barbus à teint de peau-rouge, et les Eve des courtisanes maigriottes et bouffies, avec des têtes rondes à petits yeux de crevettes, des lèvres modelées dans de la pommade rosat, des seins en pommes