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lèvres, dans cette physionomie tout à la fois douce et avide, dans le mouvement de ces bras ramenés sur la poitrine, remontés jusqu’à la bouche, dessinant eux-mêmes, par la position des mains, une sorte de Croix, il y avait l’anéantissement ravi de l’épouse, l’allégresse absorbée de l’amour pur et aussi quelque chose de l’inquiète affection d’une mère dorlotant, comme un enfant qui souffre, ce Christ qu’elle baisait et semblait bercer sur son giron.


Et cela ordonné, sans attitude théâtrale, sans gestes efforcés, très simplement. Elle n’a point, de même que Sainte Madeleine de Pazzi, des élans et des cris, elle ne s’élève pas dans le vol de l’ébriété divine, cette Sainte Claire ! L’emprise céleste se manifeste chez elle à l’état muet ; ses transports se contiennent et son ivresse est grave ; elle ne s’épand pas au dehors, mais se creuse, et Jésus qui descend en elle la marque à son coin, la poinçonne avec l’image de ce crucifix qu’elle tient et dont on aperçut l’empreinte gravée dans son cœur, lorsqu’on l’ouvrit, après sa mort.

La peinture religieuse la plus surprenante de notre temps était là ; et elle avait été obtenue sans pastiche des Primitifs, sans tricheries de corps gauches cernés par des fils de fer, sans apprêt et sans dols. Mais quel catholique pratiquant, quel artiste éperdu de Dieu devait être l’homme qui avait peint une telle œuvre !

Et après lui, tout se taisait. Dans la jeunesse religieuse d’aujourd’hui, on ne voit personne qui soit de taille à se mesurer avec les sujets de l’Eglise ; un seul paraît pourtant donner quelques espérances, dit Durtal qui réfléchissait, car celui-là sort de ses congénères, a