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Saint-Jean, à Bruges, — s’approche, étonné de son bonheur, n’osant croire que le moment soit venu d’adorer le Messie enfin né ; et il sourit, si déférent, si doux, marche avec des précautions presque maladroites de bon vieux qui voudrait bien être utile, mais craint de gêner.

Enfin, pour parachever la scène, au-dessus de Pierre Bladelin, un paysage merveilleux s’étend, coupé par la grande rue de la ville de Middelboug, que ce seigneur fonda ; une rue bordée de châteaux à murs crénelés, de clochers d’Eglises, se perdant dans une campagne qu’éclaire un firmament léger, un jour limpide de printemps bleu ; — au-dessus de Saint Joseph, une prairie et des bois, des moutons et des pâtres et trois anges exquis, en robes d’un jaune saumoné, d’un violet de campanule, d’un citrin tirant sur le vert, trois êtres vraiment immatériels, n’ayant aucun rapport avec ces pages si perversement candides qu’inventa la Renaissance.

Evidemment, si l’on résume l’impression de cette œuvre, l’on est amené à conclure que l’art mystique demeurant encore sur la terre, ne se passant plus seulement en plein ciel, comme le voulut dans son « Couronnement de la Vierge » l’Angelico, a produit, avec le triptyque de Roger Van der Weyden, l’exoration colorée la plus pure qui soit dans la peinture. Jamais la Théophanie n’a été plus splendidement célébrée et, l’on peut dire aussi, plus naïvement et plus simplement rendue ; le chef-d’œuvre de la Noël est à Berlin, de même que le chef-d’œuvre de la Descente de Croix est à Anvers, dans la douloureuse, dans la splendide page de Quentin Metsys !