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rais d’or, apparaît enveloppée d’une robe blanche montant jusqu’au col, d’un manteau d’azur dont les ondes se déroulent à terre et les manches de son habit de dessous, serrées aux poignets, sont d’un violet nourri de bleu, plus près du noir que du rouge. La figure est intraduisible, d’une beauté surhumaine sous ses longs cheveux roux ; le front est haut, le nez droit, les lèvres fortes et le menton petit ; mais les mots ne disent rien ; ce qui ne se peut rendre, c’est l’accent de candeur et de mélancolie, c’est la surgie d’amour qui jaillit de ces yeux baissés sur l’enfant minuscule et gauche, sur le « Jesulus » dont le chef est ceint d’un nimbe rose étoilé d’or.

Jamais Vierge ne fut et plus extraterrestre et plus vivante. Ni Van Eyck, avec ses types un peu populaciers, laids en tout cas ; ni Memling, plus tendre et plus raffiné, mais confiné dans son rêve de femme à front bombé, à tête en cerf-volant, large du haut et mince du bas, n’ont atteint cette noblesse délicate de formes, cette pureté de la femme que l’amour divinise et qui, même retirée du milieu où elle se trouve, même privée des attributs qui la font reconnaître, ne pourrait pas être une autre que la Mère d’un Dieu.

Près d’elle, le chevalier Bladelin, tout vêtu de noir, avec sa face chevaline, ses joues rases, son air à la fois sacerdotal et princier, s’abîme dans la contemplation, loin de tout ; ce qu’il prie bien, celui-là ! — et le Saint Joseph qui lui sert de pendant, représenté sous les traits d’un vieillard chauve, à barbe courte et à manteau d’incarnat — absolument pareil à celui que Memling a peint dans cette Adoration des Mages que possède l’hôpital