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La vue de ces gens suggérait à Durtal que leurs suppliques différaient de ces prières qui sanglotent dans l’ombre des soirs, de ces exorations des femmes éprouvées, consternées par les heures vécues du jour. Ces paysannes priaient moins pour se plaindre que pour aimer ; ces gens, agenouillés sur les dalles, venaient moins pour eux que pour Elle. Il y avait à ce moment une sorte de relais dans les gémissements, une espèce de grève des pleurs, et cette attitude concordait avec l’aspect spécial adopté par Marie, dans cette cathédrale ; Elle s’y présentait, en effet, surtout sous les traits d’une enfant et d’une jeune mère ; elle y était beaucoup plus la Vierge de la Nativité que la Notre-Dame des Sept-Douleurs. Les vieux artistes du Moyen Age paraissaient avoir craint de la contrister en lui rappelant de trop pénibles souvenirs et avoir voulu témoigner, par cette discrétion, leur gratitude à Celle qui s’était constamment révélée, dans ce sanctuaire, la Dispensatrice des bienfaits, la Châtelaine des grâces.

Durtal sentait vibrer en lui l’écho des oraisons tintées autour de lui par ces âmes éprises et il se fondait en la douceur caressante d’hymnes, ne réclamant plus rien, taisant ses désirs inexaucés, célant ses secrètes doléances, ne songeant qu’à souhaiter un affectueux bonjour à sa Mère auprès de laquelle il était revenu, après de si lointaines pérégrinations dans les pays du péché, après de si longs voyages.

Puis maintenant qu’il L’avait vue, qu’il Lui avait parlé, il se retirait, laissant la place à d’autres ; il retournait chez lui, afin de prendre un peu de nourriture et, embrassant, d’un dernier coup d’œil, l’admirable église,