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Tel, cet anonyme qui figure à Gotha dans la collection du Grand-Duc et qui a tracé l’une de ces messes étranges que le Moyen Age appelait, on ne sait trop encore pourquoi, messes de Saint Grégoire.

Et Durtal, fouillant dans son calepin, parcourait la description notée de cet ouvrage dont le souvenir lui revenait ainsi qu’un mémorial de brutalité pieuse.

Cette peinture était ainsi ordonnée sur un champ d’or : un peu au-dessus d’un autel, le dépassant à peine, un tombeau de bois, une sorte de baignoire carrée s’élevait dont les deux bords étaient rejoints par une planche ; et, sur ce pont, un Christ aux jambes disparues dans ce sépulcre, était assis sur une fesse et tenait une croix. Il avait la face hâve et creuse, cernée d’une couronne d’épines vertes et le corps décharné était piqué de piqûres de puces par des points de verges. Autour de lui, en l’air, planaient dans le ciel d’or les instruments de sa torture : les clous, une éponge, un marteau, une lance ; puis, à gauche, tout petits, les bustes coupés de Jésus et de Judas, près d’un socle sur lequel s’alignaient en trois files des pièces d’argent.

Et, devant l’autel, adorant ce Sauveur vraiment affreux, conçu suivant les descriptions anticipées d’Isaïe et de David, le pape Saint Grégoire à genoux, les mains jointes, était flanqué d’un cardinal grave, les bras sous sa robe, et d’un rude évêque debout, dans un manteau d’un vert foncé brodé d’or et portant une croix.

C’était énigmatique, et c’était sinistre, mais les visages impérieux et austères vivaient. Un accent de foi, fauve et têtue, sortait de ces faces ; c’était âpre au goût, c’était