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Van der Weyden pour insuffler une âme céleste à ces peintres. Ils avaient alors changé leur manière, imité la candide rigueur des flamands, s’étaient assimilé leur tendre piété, leur franchise et, en des hymnes ingénus, ils avaient, à leur tour, célébré la gloire de la Mère et pleuré le martyre du Fils.

Cette école colonaise, on peut la résumer ainsi, fit Durtal : elle est l’incontinence du capiton et du satiné, l’apothéose du roublard et du bouffi ; et cela n’a rien à voir avec l’art mystique, proprement dit.

Si l’on veut vraiment se rendre compte du tempérament personnel, entier, de la peinture religieuse allemande, ce n’est pas cette école, la seule dont on nous entretienne, la seule qui soit toujours vantée, qu’il sied de voir. Il convient de fouiller les maîtrises moins anciennes de la Franconie et de la Souabe ; là, c’est l’opposé ; l’art est abrupt et farouche, mais il vibre ; il pleure, il hurle même, mais il prie ! Il faut aller visiter des sauvages de génie, tels que Grünewald dont les Christ, tumultueux et féroces, crissent des dents à se les briser ou Zeitblom dont le voile de Véronique, au musée de Berlin, déplaît, avec ses anges qui ont des buffleteries noires sur la poitrine, et la tête terrible, atroce, de son Supplicié ; mais il est, malgré tout, si énergique, si décidé, si cru, celui-là, qu’il s’impose par la sincérité de sa laideur même !

Au fond, reprit Durtal, en négligeant au besoin de fiers peintres comme Grünewald, je préfère encore aux saindoux sucrés de Cologne, des inconnus dont le talent ne domine guère, dont les œuvres sont plus bizarres que belles, mais qui sont mystiques au moins ! —