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d’aubergine, dans leur brun d’amadou et de tan, dans leur vert trop chargé de bleu, dans leur rouge de vin, mêlé de suie, pareil au jus épais des mûres.

Puis, arrivé au chœur, le jour filtrait dans les couleurs moins pesantes et plus vives, dans l’azur des clairs saphirs, dans des rubis pâles, dans des jaunes légers, dans des blancs de sel. L’obscurité se dissipait, après le transept, devant l’autel ; au centre de la croix même, le soleil entrait dans des verres plus minces, moins encombrés de personnes, liserés d’une marge presque incolore, traversée sans peine.

Enfin, dans l’abside, figurant le haut de la croix, il ruisselait de toutes parts, symbolisant la lumière qui inonde le monde, du sommet de l’arbre ; et alors ces tableaux demeuraient diaphanes, tout juste couverts de teintes souples, de nuances aériennes, encadrant d’une simple gerbe d’étincelles l’image d’une Madone moins hiératique, moins barbare que les autres et d’un Enfant blanc qui bénissait, de ses doigts levés, la terre.

C’était partout maintenant, dans la cathédrale de Chartres, des bruits de sabots, des va-et-vient de jupes, des sonneries de messes.

Durtal quitta le coin du transept où il était assis, le dos appuyé à une colonne et se dirigea sur la droite vers un renfoncement où flambait une herse allumée de cires, devant la statue de la Vierge.

Et des pensions de petites filles, conduites par des religieuses, des troupes de paysannes, des hommes de la campagne débouchaient de toutes les avenues, se prosternaient devant la statue, puis s’approchaient du pilier pour le baiser.