Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/359

Cette page n’a pas encore été corrigée

Bavoil proposa de rendre visite à Notre-Dame du Pilier.

Ils s’installèrent dans l’obscurité de ce bas-côté du chœur dont les sombres vitraux étaient encore voilés par une boiserie de camelote dessinant une niche dans laquelle la Vierge se tenait, noire, telle que son homonyme de la crypte, que Notre-Dame de Sous-Terre, sur un pilier, entourée de grappes de cœurs en métal et de veilleuses suspendues à des cerceaux au plafond. Des herses de cierges dardaient leurs amandes de flammes et des femmes prosternées priaient, la tête entre les mains, ou la face tournée vers le visage d’ombre que les lueurs n’atteignaient point.

Il parut à Durtal que les douleurs contenues, le matin, se répandaient dans le crépuscule ; les fidèles ne venaient plus seulement pour Elle, mais pour eux ; chacun apportait le paquet de ses maux et l’ouvrait ; la tristesse de ces âmes vidées sur les dalles, de ces femmes appuyées, prostrées, contre la grille qui protégeait le pilier que toutes embrassaient, en partant !

Et la noire statue, sculptée dans les premières années du XVIe siècle, écoutait, la face invisible, les mêmes gémissements, les mêmes plaintes, qui se succédaient, de générations en générations, entendait les mêmes cris, se répercutant à travers les âges, affirmant l’inclémence de la vie et la convoitise de la voir se prolonger pourtant !

Durtal regarda Mme Bavoil ; elle priait, les yeux clos, renversée sur ses talons, par terre, les bras tombés, les mains jointes. Etait-elle heureuse de pouvoir s’absorber ainsi !

Et il voulut se forcer à réciter une supplique très courte, afin de parvenir à l’achever, sans se distraire ;