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Dans ces moments de sécheresse, d’incertitude sur leur vocation qui les accablent, n’est-il pas affreux, ce souvenir constamment ravivé de la famille, des amis, de tout ce que l’on a abandonné pour s’enfermer à jamais dans un cloître ?

N’est-ce pas, lorsqu’on est encore mal aguerrie, brisée par les fatigues, lorsqu’on se tâte pour connaître si l’on pourra résister aux veilles et aux jeûnes, la tentation permanente de ne pas se laisser murer vivante, dans une tombe ?

Je songe aussi à cet aspect de réservoir que la construction de ses murs prête au Carmel. La figure est exacte, car ce couvent est bien un réservoir où Dieu plonge et pêche des œuvres d’amour et de larmes, afin de rétablir l’équilibre de la balance où les péchés du monde pèsent si lourds !

Mme Bavoil se mit à sourire.

— Une très vieille Carmélite, fit-elle, qui était entrée dans cette communauté, avant l’invention de cette ligne de chemin de fer, est décédée, il y a quelques mois à peine. Jamais elle n’était sortie de la clôture et jamais elle n’avait vu une locomotive et un wagon. Sous quelle forme pouvait-elle se représenter ces convois dont elle entendait les roulements et les cris ?

— Evidemment sous une forme diabolique, puisque ces attelages mènent aux péchés scélérats et joyeux des villes, répondit, en souriant, Durtal.

— Remarquez bien, en tout cas, ceci : cette sœur aurait pu monter dans le grenier de la maison qui domine la voie et, de là, regarder, une fois pour toutes, un train.On l’y autorisa et elle ne le fit point