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Ah ! ne plus être ainsi divisé, demeurer impartible ! avoir l’âme assez anéantie pour ne plus ressentir que les douleurs, ne plus éprouver que les joies de la liturgie ! ne plus être requis chaque jour que par Jésus et par Vous, ne plus suivre que votre propre existence se déroulant dans le cycle annuel des offices ! se réjouir à la Nativité, rire à Pâques-fleuries, pleurer pendant la Semaine Sainte, être indifférent au reste, pouvoir ne plus se compter, se désintéresser complètement de sa personne, quel rêve ! ce qu’il serait simple alors de se réfugier dans un cloître !

Mais est-ce possible quand on n’est pas un Saint ? quel dénuement cela suppose de l’âme vidée de toutes les idées profanes, de toutes les images terrestres ; quel apprivoisement cela présume de l’imagination devenue docile, ne s’élançant plus que sur une seule piste, n’errant plus, comme la mienne, à l’aventure !

Et pourtant, ce que les autres soins sont inutiles, car tout ce qui n’a pas trait au ciel, sur la terre, est vain ! oui, mais quand il s’agit de mettre ces pensées en pratique, elle se cabre, ma rosse d’âme, et j’ai beau la tirer, elle rue et n’avance pas !


Ah ! Sainte Vierge, ce n’est point pour m’excuser de mes faiblesses et de mes fautes ! mais cependant, je vous l’avoue, c’est décourageant, c’est navrant de ne rien comprendre, de ne rien voir ! Ce Chartres où je végète, est-il un lieu d’attente, une transition entre deux monastères, un pont jeté entre Notre-Dame de l’Atre et Solesmes, ou une autre abbaye ? est-ce au contraire l’étape dernière, celle où vous voulez que je sois enfin assis, mais alors ma vie n’a plus de sens ; elle est