Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

Daniel et Ezéchiel, soulevant les quatre Evangélistes, exprimant naïvement ainsi le parallélisme des deux Testaments, l’appui que prête à la Nouvelle Loi, l’Ancienne.

Puis, comme si sa présence n’était pas assez fréquente, assez certaine, comme si Elle eût désiré qu’en se tournant dans n’importe quelle direction, ses fidèles la vissent, la Vierge se posait encore, diminuée, à de moins importantes places, trônait dans l’umbo des boucliers, dans le cœur des grandes rosaces, finissait par ne plus rester à l’état d’image, par prendre corps, par se matérialiser en une statue de bois noir, par s’exhiber, vêtue d’une robe évasée, telle qu’une cloche d’argent, sur un pilier.

La forêt tiède avait disparu avec la nuit ; les troncs d’arbres subsistaient mais jaillissaient, vertigineux, du sol, s’élançaient d’un seul trait dans le ciel, se rejoignant à des hauteurs démesurées, sous la voûte des nefs ; la forêt était devenue une immense basilique, fleurie de roses en feu, trouée de verrières en ignition, foisonnant de Vierges et d’Apôtres, de Patriarches et de Saints.

Le génie du Moyen Age avait combiné l’adroit et le pieux éclairage de cette église, réglé, en quelque sorte, la marche ascendante de l’aube, dans ses vitres. Très sombre, au parvis et dans les avenues de la nef, la lumière fluait mystérieuse et sans cesse atténuée le long de ce parcours. Elle s’éteignait dans les vitraux, arrêtée par d’obscurs évêques, par d’illucides Saints qui remplissaient en entier les fenêtres aux bordures enfumées, aux teintes sourdes des tapis persans ; tous ces carreaux absorbaient les lueurs du soleil, sans les réfracter, détenaient l’or en poudre des rayons dans leur violet noir