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qu’ils sont de plaques de boue rouge sur laquelle nagent des yeux d’or.

De même qu’en un verre de lanterne magique qui change, cette scène sauvage, ce symbole fruste d’une splendide et subtile liturgie alors balbutiée d’une voix rauque, disparaît et fait place à la théorie des lévites et des prêtres processionnant dans le temple, sous la conduite d’Aaron, magnifique sous son turban cerclé d’or, dans sa toge violette au bas de laquelle s’ouvrent des grenades d’écarlate et d’azur et sonnent des clochettes d’or ; il porte l’éphod de lin, serré par une ceinture couleur d’hyacinthe, de cramoisi et de pourpre, retenu en haut par des épaulières agrafées d’une sardoine, la poitrine en feu, crépitant d’étincelles que sa marche attise dans les douze pierreries du pectoral.

Tout s’efface encore. Et un inconcevable palais se dresse, abritant sous des dômes vertigineux des arbres en fleurs des tropiques plantés près de bassins tièdes ; des singes gambadent, se pendent en grappes aux branches, tandis que traînent des mélodies patelines grattées sur des instruments à cordes, et que les sons retentissants des tambourins font trembler les roues bleues des paons.

Dans cette étrange pépinière, pleine de touffes de femmes et de fleurs, dans ce harem immense où vaguent ses sept cents princesses et ses trois cents concubines, Salomon regarde le tourbillon des danses, contemple ces haies vivantes de femmes dont les corps se détachent sur l’or plaqué des murs, vêtues seulement avec le voile transparent des fumées que déroulent les résines brûlant sur des trépieds.