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et partant une estompe de la loi chrétienne.

Toute la vocation du peuple Juif se déroule sous la trinité de ces porches, une mission qui va d’Abraham à Moïse ; de Moïse à l’exil de Babylone ; de l’exil à la mort du Christ et qui se divise en trois périodes : la formation d’Israël — son indépendance — sa vie au milieu des Gentils.

Et ce que cette fonte de foules s’est péniblement et lentement faite ! avec quels déchets et quelles scories ! Ce qu’il a fallu d’égorgements pour discipliner ces rapaces nomades, pour dompter la cupidité et la luxure furieuses de cette race ! Et, en une série d’images folles, il voyait l’irruption dans la Judée des nabis hurlants, tumultueux et farouches, des imprécations contre les crimes des rois et les scélératesses de ce peuple versatile toujours tenté par les cultes voluptueux de l’Asie, toujours grommelant, prêt à briser le mors de fer dont le brida Moïse.

Et dans ce groupe de vociférateurs et de justiciers dominant de leur haute taille les têtes, apparaissait Samuel, l’homme des contradictions, allant où Dieu le pousse, accomplissant des tâches qu’il doit détruire, créant une monarchie qu’il réprouve, sacrant roi un énergumène, une sorte d’insensé qui passe derrière le transparent de l’histoire, avec des gestes de démence et de menace ; et il faut que Samuel assomme cet étonnant Saül, sous le poids de ses malédictions, qu’il proclame roi David, auquel un autre prophète jettera à la face ses crimes ; et ces êtres inspirés se succèdent, continuent, d’années en années, le rôle de gardiens de l’âme publique, de guetteurs de la conscience des Juges