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dans ces créations de mines indécises, étranges. Vous souvenez-vous de Notre-Dame de Paris qui leur est postérieure d’un siècle, je crois ? Elle est à peine jolie, mais si bizarre avec son sourire joyeux éclos sur de mélancoliques lèvres ! Aperçue d’un certain côté, Elle sourit à Jésus, attentive, presque railleuse. Il semble qu’Elle attende un mot drôle de l’Enfant pour se décider à rire ; Elle est une nouvelle mère pas encore habituée aux premières caresses de son fils. Regardée d’un autre point, sous un autre angle, ce sourire, si prêt à s’épanouir, s’efface. La bouche se contracte en une apparence de moue et prédit des pleurs. Peut-être qu’en parvenant à empreindre en même temps sur la face de Notre-Dame ces deux sentiments opposés, la quiétude et la crainte, le sculpteur a voulu lui faire traduire à la fois l’allégresse de la Nativité et la douleur prévue du Calvaire. Il aurait alors portraituré, en une seule image, la Mère des Douleurs et la Mère des Joies, devancé, sans le savoir, les Vierges de La Salette et de Lourdes.

Mais tout cela ne vaut point l’art si vivant et si altier, si personnel et si mystérieux du XIIe siècle, l’art du portail Royal de Chartres !

— Ce n’est pas moi qui vous contredirai, fit l’abbé Plomb. Maintenant que nous avons examiné la série figurative installée à la gauche de sainte Anne, voyons la série prophétique logée à sa droite.

D’abord, Isaïe posant sur un socle formé par un Jessé qui dort ; et la fameuse tige prend racine, file entre les pieds du Prophète et les branches des ancêtres de la Vierge, selon la chair et l’esprit, montent, remplissent, en se déroulant, les quatre cordons de la voussure du