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les historiographes de la cathédrale se pâment et qu’ils assurent en chœur être le chef-d’œuvre de la statuaire du XIIIe siècle, sont singulièrement inférieures aux statues du XIIe qui parent le porche Royal. Comme la descente dans l’étiage divin est sensible ! Sans doute, les mouvements sont plus souples et le jeu des vêtures s’est élargi ; les côtes de rhubarbe des étoffes se sont espacées et elles fléchissent ; mais où est la grâce de l’âme sculptée du grand portail ? toutes ces statues-ci, avec leurs caboches énormes, sont mastoques et muettes, sans vie qui pénètre ; ce sont de pieuses œuvres, belles si vous voulez, mais sans au-delà ; c’est de l’art mais ce n’est déjà plus de la mystique. Voyez Sainte Anne, avec son air morose, ses traits désagréables ou souffrants, est-elle assez loin de la fausse Radegonde ou de la fausse Berthe !

A l’exception de deux, de celle de Saint Jean et de celle de Joseph situées là-bas, au bout de la baie, les autres, nous les connaissons. Elles sont également à Amiens et à Reims ; et rappelez-vous le Siméon, la Vierge, la Sainte Anne de Reims ! la Vierge, d’un charme si ingénu, si chastement exquis, tendant l’enfant à Siméon doux et pensif, dans sa tenue solennelle de grand-prêtre ; Sainte Anne, dont le genre de figure est le même que celui de Saint Joseph et de l’un des deux anges qui avoisinent, sur ce même portail Royal, le Saint Nicaise au crâne tranché à la hauteur du front ; — Sainte Anne avec sa physionomie riante et fûtée et pourtant vieillote, sa tête à petit menton pointu, à grands yeux, à nez effilé, s’allongeant en cornet, son visage de jeune duègne, maligne et aimable. Au reste, les imagiers excellèrent