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Paul, en son Epître aux Hébreux, le rendent plus énigmatique encore. Il le dit sans père, sans mère, sans généalogie, n’ayant ni commencement de jours, ni fin de vie, étant ainsi l’image du Fils de Dieu qui demeure pontife pour toujours. Saint Paul insiste pour faire comprendre sa grandeur… et la vague lumière qu’il projetait sur cette ombre, s’éteint.

— Avouez qu’il est inouï, ce roi de Salem ; qu’est-ce que les commentateurs en pensent ? demanda Durtal.

— Peu de chose. Saint Jérôme observe cependant qu’en employant ces termes : sans parents, sans aïeux, sans commencement et sans fin, Saint Paul n’a pas entendu énoncer que Melchissédech fût descendu du ciel ou créé directement comme le premier homme par l’Ancien des jours. Sa phrase signifie simplement qu’il est introduit dans le récit sur Abraham sans que l’on sache d’où il vient, qui il est, en quel temps il est né, à quelle époque il est mort.

Au fond, l’incompréhensible rôle que joue cette préfigure de Jésus dans les pages du Canon, a suggéré les légendes et les hérésies les plus baroques.

Les uns ont soutenu qu’il était Sem, fils de Noé, les autres qu’il était Cham. Pour Simon Logothète, Melchissédech est un Egyptien ; pour Suidas, il appartient à la race maudite de Chanaan et c’est à cause de cette origine que la Bible se tait sur ses ancêtres.

Les Gnostiques l’ont révéré tel qu’un Eon supérieur à Jésus et au IIIe siècle, Théodore le Changeur prétendait, lui aussi, qu’il n’était pas un homme, mais une Vertu céleste surpassant le Christ, parce que le sacerdoce de Celui-ci n’était qu’une copie du sien.