rester au courant, de comprendre, de s’assurer si, dans un ouvrage, l’auteur chantait la chair, la célébrait, la louait, pour tout dire ; ou bien si, au contraire, il ne la montrait que pour la bafouer et pour la haïr ; il eût fallu se convaincre aussi qu’il existe un nu lubrique et un nu chaste, que, par conséquent, tous les tableaux où s’affirment des nudités ne sont pas à honnir. Il eût surtout fallu admettre qu’on devait exhiber les vices et les décrire pour en susciter le dégoût et en suggérer l’horreur.
Car enfin, ce fut là la grande théorie du Moyen Age, la méthode de la théologie sculpturale, la dogmatique littéraire des moines de ce temps ; et c’est là la raison d’être de ces statues, de ces groupes qui alarment encore la scandaleuse pudeur de nos mômiers. Elles abondent ces scènes inconvenantes, ces images choisies des stupres, à Saint-Benoît-sur-Loire, à la Cathédrale de Reims, au Mans, dans la crypte de Bourges, partout où se dressent des Eglises ; et celles où nous n’en voyons pas sont celles qui n’en ont plus, car le bégueulisme, qui sévit plus spécialement dans les époques impures, les a brisées à coups de pierres, détruites au nom d’une morale opposée à celle qu’enseignaient les Saints, au Moyen Age !
Ces tableaux ont fait, depuis bien des années, la joie des libres penseurs et le désespoir des catholiques ; les uns y distinguant une satire des mœurs des évêques et des moines, les autres déplorant que de pareilles turpitudes souillassent les parois du temple. L’explication de ces scènes était facile à proclamer pourtant ; loin de chercher à excuser la tolérance de l’Eglise qui les voulut, l’on devait admirer l’ampleur de son esprit et sa franchise.