Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée

et éveillait les sens ; l’imagination ne pouvait que s’exacerber à ronger son désir de savoir et sa frayeur et elle était prête à se désordonner au moindre mot.

Dans ces conditions, l’œuvre même la plus anodine devenait un péril par ce seul fait qu’il y était question d’amour et qu’on y dépeignait, sous un aspect avenant, une femme ; et dès lors tout s’expliquait, l’ignorance inhérente aux catholiques car on la vantait comme le remède préventif des séductions — la haine instinctive de l’art, car toute œuvre écrite et observée devenait par cela même, pour ces âmes timorées, un véhicule de péchés, un excipient de fautes !

Vraiment, est-ce qu’il n’eût pas été plus habile, plus sage d’ouvrir les fenêtres, d’aérer les pièces, de traiter virilement ces âmes, de ne pas leur apprendre à trembler ainsi devant leur chair, de leur inculquer l’audace, la fermeté nécessaires pour résister ; car enfin, c’est un peu l’histoire du chien qui jappe après vous et qui vous saute aux chausses, si on feint de le redouter et de fuir et qui recule si l’on marche, décidé à le repousser, sur lui.

Toujours est-il que ces procédés de culture pieuse avaient abouti, d’une part, à l’emprise charnelle de la majeure partie des gens élevés de la sorte, et lancés après, dans la vie du monde, et de l’autre, à un épanouissement de sottise et d’effroi, à l’abandon des territoires de l’esprit, à la capitulation de toutes les forces catholiques se rendant, sans coup férir, à l’invasion de la littérature profane s’installant sur des positions qu’elle n’avait même pas eu la peine de conquérir !

C’était fou cela ! L’Eglise qui avait créé, qui avait allaité l’art pendant tant de siècles, Elle avait été, de