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table ou d’une grotte et demain, elles reprendront, à la première heure, leur fatigant voyage.

Durtal était demeuré anéanti, devant la splendeur radieuse de cette foi. C’était donc possible, hors de la solitude absolue et hors des cloîtres, dans le rancart de ces sommets et de ces gorges, parmi cette population de paysans âpres et durs, des âmes toujours jeunes, des âmes toujours fraîches, des âmes d’éternels enfants veillaient. Des femmes, sans même le savoir, vivaient de la vie contemplative, s’unissaient à Dieu, tout en bêchant, à des hauteurs prodigieuses, les pentes arides d’un petit champ. Elles étaient Lia et Rachel à la fois, Marthe et Marie ensemble ; et ces femmes croyaient naïvement, bonnement, ainsi que l’on crut au Moyen Age. Ces êtres aux sentiments frustes, aux idées mal équarries, sachant à peine s’exprimer, à peine lire, pleuraient d’amour devant l’Inaccessible qu’elles forçaient, par leur humilité, par leur candeur, à se révéler, à se montrer à elles.

Ce qu’il était juste que la Vierge les choyât et les choisît entre toutes, celles-là, pour en faire ses préférées !

Ah ! c’est qu’elles sont dégrevées du poids affreux du doute, c’est qu’elles possèdent la nescience presque absolue du Mal ; mais est-ce qu’il n’y a point des âmes trop expertes, hélas ! dans la culture des fautes et qui trouvent néanmoins grâce devant Elle ? Marie n’a-t-elle pas aussi des sanctuaires, moins fréquentés, moins connus, mais qui ont quand même résisté à l’usure des siècles, à la vogue variée des âges, des églises très anciennes où Elle vous accueille quand, solitairement, sans bruit, on l’aime ? Et Durtal, revenu à Chartres,