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en des baisers craintifs mais offerts, simplement, de si bon cœur, en des baisers rendus sans doute, dans une ineffable étreinte, par l’Enfant tant dorloté par elles depuis sa naissance et devenu, en grandissant depuis le martyre du Calvaire, le douloureux Epoux.

Elles participaient peut-être un peu aux délices réservées à la Vierge, tout à la fois Mère et Epouse et aussi Servante extasiée d’un Dieu.

Et dans le silence, une voix, qui venait du lointain des âges, s’éleva et l’ancêtre dit : Pater noster… et toutes répétèrent l’oraison et montèrent, en se traînant sur les genoux, les gradins du chemin de croix dont les quatorze poteaux emmanchés de médaillons de fonte séparaient, en serpentant, les statues des groupes ; elles s’avançaient ainsi, restant sur la marche qu’elles avaient gravie, le temps de réciter leurs ave, puis elles grimpaient, en s’appuyant sur les mains, l’autre marche. Et quand le rosaire fut débité, la vieille se redressa et, lentement, toutes la suivirent à l’église où elles prièrent longuement, prosternées devant l’autel ; et l’aïeule se releva, distribua l’eau bénite à la porte, guida la troupe vers la fontaine où chacune but encore et elles partirent, sans échanger une parole, remontèrent, à la queue leu leu, l’étroit sentier, finirent comme les points noirs qu’elles étaient en venant, disparurent à l’horizon.

— Ces femmes sont depuis deux jours et deux nuits dans la montagne, dit un prêtre qui s’était approché de Durtal ; elles arrivent du fond de la Savoie et elles ont cheminé presque sans repos pour passer quelques minutes ici ; elles coucheront, ce soir, au hasard d’une é