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un à un, sur le liseré d’un chemin qui côtoyait des gouffres. Et, peu à peu, ces grains, d’abord sombres, s’éclairaient de tons voyants de robes, se précisaient en des clochettes de couleur surmontées d’une boule blanche, finissaient par se muer en une file de paysannes coiffées de bonnets blancs.

Et à la queue leu leu, elles débouchèrent sur la place.

Après s’être signées devant le cimetière, elles étaient allées boire un gobelet d’eau à la fontaine puis avaient fait volte-face et Durtal, qui les dévisagea, vit ceci :

En tête, s’avançait une femme, centenaire au moins, très grande et encore droite, le chef couvert d’une sorte de capuce d’où s’échappaient, comme de la paille de fer, des frisures emmêlées de cheveux gris. Elle avait la face régredillée, telle qu’une pelure d’oignon, et, elle était si maigre qu’au travers de sa peau, l’on apercevait, en la regardant de côté, le jour.

Elle s’agenouilla devant la première statue, et, derrière elles, ses compagnes, âgées de dix-huit ans pour la plupart, joignirent les mains, fermèrent les yeux et, lentement, elles changèrent.

Sous le souffle de la prière, l’âme, enfouie dans la cendre des préoccupations terrestres, s’alluma et le vent qui l’attisait la faisait éclairer, ainsi qu’une flamme intérieure, le derme opaque des joues, l’ensemble terne des traits.

Elle lissait le craquelé des rides, amortissait, chez les jeunes, la vulgarité du rose gercé des bouches, éclaircissait les pâtes bises des teints, débordait dans le sourire des lèvres qui s’entr’ouvraient en de silencieuses suppliques,