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aidée de quelques nonnes, sur une petite presse à bras que possède le monastère, n’a jamais été mis dans le commerce. Il est, en somme, le résumé de sa doctrine, le suc essentiel de ses leçons, et il est surtout destiné à celles de ses filles qui ne peuvent profiter de ses enseignements et de ses conférences, parce qu’elles habitent loin de Solesmes, dans les autres abbayes qu’elle a fondées.

Tenez maintenant que les Bénédictines étudient pendant dix années le latin, que beaucoup d’entre elles traduisent l’hébreu et le grec, sont expertes en exégèse ; que d’autres dessinent et peignent des pages de missels, rajeunissent l’art épuisé des enlumineurs d’antan ; que d’autres encore, telles que la Mère Hildegarde, sont des organistes de première force… vous penserez sans doute que la femme qui les manie, qui les dirige, que la femme qui a créé, dans ses cloîtres, des écoles de mystique pratique et d’art religieux est une personne tout à fait extraordinaire et — avouons-le — par ce temps de frivole dévotion et d’ignare piété — unique !

— Mais c’est une grande Abbesse du Moyen Age ! s’écria Durtal.

— Elle est le chef-d’œuvre de Dom Guéranger qui l’a prise presque enfant et lui a malaxé et lui a longuement broyé l’âme ; puis il l’a transplantée dans une serre spéciale, surveillant, chaque jour, sa croissance en Dieu, et le résultat de cette culture intensive, vous le voyez.

— Oui, et n’empêche cependant que les couvents sont, pour certaines gens, des réceptacles de fainéantise et des réservoirs de folie ; — quand on songe aussi que