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ont des élans d’âme et des haltes tragiques, des murmures attendris et des cris de passion et parfois elles paraissent monter à l’assaut et enlever à la baïonnette certains psaumes. A coup sûr elles réalisent le bond le plus violent qui se puisse rêver de la terre dans l’infini !

— Alors, c’est autre chose que chez les Bénédictines de la rue Monsieur, à Paris ?

— Il n’y a point de comparaison à établir. Sans vouloir dénier la probité musicale de ces bonnes cloîtrières qui chantent convenablement, mais humainement, en femmes, l’on peut affirmer qu’elles n’ont ni cette science, ni ces inflexions d’âme, ni ces voix… Selon le mot d’un jeune moine, quand on a entendu les moniales de Solesmes, ce que celles de Paris semblent… province.

— Et vous avez vu l’Abbesse de sainte-Cécile ? — tiens, mais… et Durtal chercha dans sa mémoire — n’est-elle pas l’auteur d’un « Traité de l’Oraison » que j’ai parcouru autrefois à la Trappe mais qui n’a pas été vu d’un bon œil, je crois, au Vatican ?


— C’est elle, en effet ; mais vous commettez la plus complète erreur, en vous imaginant que son livre ait pu déplaire à Rome. Il y a été, de même que tous les ouvrages de ce genre, examiné à la loupe, passé au tamis, grabelé, ligne par ligne, tourné et retourné, dans tous les sens ; mais les théologiens chargés du service de cette douane pieuse ont reconnu et certifié que cette œuvre, conçue d’après les plus sûrs principes de la Mystique, était savamment, résolument, éperdument orthodoxe.

J’ajoute que ce volume qui fut imprimé par Madame l’Abbesse,