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d’or et volant, les ailes déployées dans des nues d’encens — puis une armée de moines, évoluant, en une marche solennelle et précise — et l’Abbé debout, le front ceint d’une mître pavée de gemmes, la crosse d’ivoire blanche et verte à la main, la queue de sa traîne tenue par un convers lorsqu’il s’avance, tandis que l’or des chapes s’allume au feu des cierges, que le torrent des orgues entraîne toutes les voix, emporte, jusqu’aux voûtes, le cri de douleur ou de joie des psaumes !

C’est admirable ; ce n’est plus l’austérité pénitentielle des offices, tels qu’ils se pratiquent chez les Franciscains ou dans les Trappes ; c’est le luxe pour Dieu, la beauté qu’il créa, mise à son service, et devenue, par elle-même, une louange, une prière… Mais si vous voulez voir resplendir le chant de l’Eglise dans toute sa gloire, c’est surtout dans l’abbaye voisine, chez les moniales de Sainte-Cécile, qu’il convient d’aller.

L’abbé s’arrêta, se parlant à lui-même, reculant dans ses souvenirs et, lentement, il reprit :

— Partout, quand même, la voix de la religieuse conserve, en raison même de son sexe, une sorte de langueur, une tendance au roucoulement et, disons-le, souvent une certaine complaisance à s’entendre quand elle n’ignore pas qu’on l’écoute ; — aussi, jamais le chant Grégorien n’est-il parfaitement exécuté par des nonnes. Mais chez les Bénédictines de Sainte-Cécile, ces feintises d’un gnan-gnan mondain ont disparu. Ces moniales n’ont plus la voix féminine mais une voix tout à la fois séraphique et virile. Dans cette Eglise, on est rejeté, je ne sais où, dans le fond des âges ou projeté dans l’avance des temps, quand elles chantent. Elles