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cierges et ce fut, chaque soir, un champ d’étoiles dans la Beauce.

Ce qui demeure invraisemblable et ce qui est pourtant certifié par tous les documents de l’époque, c’est que ces hordes de vieillards et d’enfants, de femmes et d’hommes se disciplinèrent en un clin d’œil ; et pourtant ils appartenaient à toutes les classes de la société, car il y avait parmi eux des chevaliers et de grandes dames ; mais l’amour divin fut si fort qu’il supprima les distances et abolit les castes ; les seigneurs s’attelèrent avec les roturiers dans les brancards, accomplirent pieusement leur tâche de bêtes de somme ; les patriciennes aidèrent les paysannes à préparer le mortier et cuisinèrent avec elles ; tous vécurent dans un abandon de préjugés unique ; tous consentirent à n’être que des manœuvres, que des machines, que des reins et des bras, à s’employer sans murmurer, sous les ordres des architectes sortis de leurs couvents pour mener l’œuvre.

Jamais il n’y eut organisation plus savante et plus simple ; les celleriers des cloîtres devenus, en quelque sorte, les intendants de cette armée, veillèrent à la distribution des vivres, assurèrent l’hygiène des bivouacs, la santé du camp. Hommes, femmes n’étaient plus que de dociles instruments entre les mains de chefs qu’ils avaient, eux-mêmes, élus et qui obéissaient à des équipes de moines, subordonnés, à leur tour, à l’être prodigieux, à l’inconnu de génie qui, après avoir conçu le plan de la cathédrale, dirigeait les travaux d’ensemble.

Pour obtenir un tel résultat, il fallut vraiment que