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aime sa génitrice naturelle, sa véritable mère. A cette nouvelle qu’Elle erre, chassée par l’incendie, à la recherche d’un gîte, tous, bouleversés, s’éplorent ; et non seulement dans le pays Chartrain, mais encore dans l’Orléanais, dans la Normandie, dans la Bretagne, dans l’Ile de France, dans le Nord, les populations interrompent leurs travaux, quittent leurs logis pour courir à son secours, les riches apportant leur argent et leurs bijoux, tirant avec les pauvres des charrettes, convoyant du blé, de l’huile, du vin, du bois, de la chaux, ce qui peut servir à la nourriture des ouvriers et à la bâtisse d’une Eglise.

Ce fut une migration ininterrompue, un exode spontané de peuple. Toutes les routes étaient encombrées de pèlerins, traînant, hommes, femmes, pêle-mêle, des arbres entiers, charriant des faisceaux de poutres, poussant de gémissantes carrioles de malades et d’infirmes qui constituaient la phalange sacrée, les vétérans de la souffrance, les légionnaires invincibles de la douleur, ceux qui devaient aider au blocus de la Jérusalem céleste, en formant l’arrière-garde, en soutenant, avec le renfort de leurs prières, les assaillants.

Rien, ni les fondrières, ni les marécages, ni les forêts sans chemins, ni les rivières sans gués, ne purent enrayer l’impulsion de ces foules en marche, et, un matin, par tous les points de l’horizon, elles débouchèrent en vue de Chartres.

Et l’investissement commença ; tandis que les malades traçaient les premières parallèles des oraisons, les gens valides dressèrent les tentes ; le camp s’étendit à des lieues à la ronde ; l’on alluma sur des chariots des