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effritées, presque détruites, mais on peut les juger surtout rapetissées, devenues seulement humaines ; ce ne sont plus des Célicoles aux corps chastement effilés, mais de simples Reines ; — au Mans, où elles sont mieux conservées, elles s’efforcent vainement de surgir de leurs fourreaux droits ; elles sont quand même désallongées, dénervées, apauvries, presque vulgaires. Nulle part, ce n’est de l’âme sculptée comme à Chartres ; et si au Mans, on étudie la façade comprise ainsi que la Cathédrale Chartraine, avec un Christ glorifié, bénissant, assis, entre les bêtes ailées du Tétramorphe, quelle descente l’on constate dans le niveau divin ! Tout est étriqué et poussif. Jésus, mal débruti, reste farouche. Ce sont évidemment des élèves sans génie des maîtres souverains de Chartres qui adornèrent ces portiques.

Etait-ce une compagnie de ces imagiers, de ces confrères de l’Oeuvre Sainte qui allaient d’un pays à l’autre, adjoints aux maçons, aux ouvriers logeurs du bon Dieu, par les moines ? Venaient-ils de cette abbaye Bénédictine de Tiron fondée près du Marché, à Chartres, par l’Abbé Saint Bernard dont le nom figure parmi les bienfaiteurs de l’Eglise dans le nécrologe de Notre-Dame ? Nul ne le sait. Humblement, anonymement, ils travaillèrent.

Et quelles âmes, ils avaient, ces artistes ! Car nous le savons, ils ne besognaient que lorsqu’ils étaient en état de grâce. Pour élever cette splendide Sasilique, la pureté fut requise, même des manœuvres.

Cela serait incroyable, si des documents authentiques, si des pièces certaines ne l’attestaient.